Un salarié ayant signé une rupture conventionnelle mais finalement licencié pour faute grave peut prétendre, sous conditions, à l’indemnité de rupture conventionnelle.
La Cour de cassation précise, dans un arrêt du 25 juin 2025, que l’employeur ayant signé une rupture conventionnelle peut licencier le salarié pour faute grave entre la date d’expiration du délai de rétractation et la date de rupture du contrat prévue par la convention, pour des manquements survenus ou dont il a eu connaissance au cours de cette période. Ce licenciement met un terme au contrat avant la date prévue par la convention de rupture. En revanche, il ne prive pas le salarié de l’indemnité spécifique de rupture.
La rupture conventionnelle est une rupture d’un commun accord du contrat de travail entre l’employeur et le salarié, exclusive du licenciement ou de la démission, qui ne peut pas être imposée par l’un ou par l’autre (c. trav. art. L. 1237-11).
Lorsqu’un employeur et un salarié décident de conclure une rupture conventionnelle individuelle, une certaine procédure doit être respectée.
Ils doivent, en premier lieu, élaborer ensemble le principe et les modalités de la rupture conventionnelle au cours d’un ou de plusieurs entretiens. Ils doivent ensuite formaliser la rupture par la signature d’une convention qui fixe, notamment, la date de fin du contrat et le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle due au salarié, qui ne peut pas être inférieur à celui de l’indemnité de licenciement (c. trav. art. L. 1237-11 à L. 1237-13).
Une fois la convention signée, l’employeur et le salarié disposent d’un délai de rétractation de 15 jours calendaires, qui court à compter du lendemain de la date de signature de la convention (c. trav. art. L. 1237-13 ; circ. DGT 2009-4 du 17 mars 2009, BO trav. 2009/4).
La dernière étape de la procédure consiste, à l’issue du délai de rétractation, à demander l’homologation de la convention de rupture au DREETS (c. trav. art. L. 1237-14 et R. 1237-3).
Si la rupture du contrat ne peut pas intervenir avant le lendemain du jour de l’homologation de la convention de rupture par l’administration (c. trav. art. L. 1237-13), l’employeur et le salarié peuvent différer le moment de la rupture du contrat de travail après l’homologation de la convention de rupture, jusqu’à une date qui leur convient, tout en la fixant précisément (CA Rouen, 2 octobre 2012, n° 11-03752).
Important : durant l’intervalle entre l’homologation de la convention et la rupture effective du contrat, le salarié exerce son travail dans les conditions habituelles (circ. précitée).
Un salarié, directeur commercial, et son employeur ont signé une convention de rupture conventionnelle le 15 janvier 2018. Cette convention fixait la date d’effet de la rupture au 30 juin 2018 et prévoyait le versement au salarié d’une indemnité spécifique de rupture d’un montant de 68 000 €.
À l’issue du délai de rétractation, la convention a été adressée à l’administration et a fait l’objet d’une homologation.
Toutefois, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement le 11 avril 2018, puis licencié pour faute grave le 23 avril 2018, son employeur lui reprochant des faits de harcèlement sexuel commis envers une collègue de travail dont il avait eu connaissance le 26 février 2018, soit après l’expiration du délai de rétraction de la rupture conventionnelle dont il disposait (voir ci-dessus).
Le salarié a alors saisi la juridiction prud’homale afin d’obtenir diverses sommes au titre de la rupture de son contrat de travail, notamment le paiement de dommages-intérêts pour licenciement nul et le paiement de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle prévue par la convention.
Important : rappelons que le licenciement pour faute grave prive en principe le salarié de l’indemnité compensatrice de préavis et de l’indemnité de licenciement.
La cour d’appel a jugé que le licenciement pour faute grave du salarié était justifié, que la convention de rupture était, en conséquence, non avenue et que le salarié ne pouvait donc pas prétendre au paiement de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle.
Le salarié s’est alors pourvu en cassation. Dans son pourvoi, il soutenait notamment qu’une faute commise par le salarié ou révélée à l’employeur postérieurement à l’expiration du délai de rétractation n’était pas susceptible de remettre en cause la convention de rupture, cette faute pouvant tout au plus faire obstacle à la poursuite du contrat de travail jusqu’à la date d’effet prévue de la rupture, mais pas priver le salarié de son droit à son l’indemnité de rupture.
L’employeur peut licencier le salarié pour faute grave entre la date d’expiration du délai de rétractation de la convention de rupture et la date de rupture du contrat prévue
La Cour de cassation précise tout d’abord qu’en l’absence de rétractation de la convention de rupture, l’employeur peut licencier le salarié pour faute grave entre la date d’expiration du délai de rétractation et la date d’effet prévue de la rupture conventionnelle, pour des manquements survenus ou dont il a eu connaissance au cours de cette période.
À noter : la Cour de cassation avait déjà adopté le même raisonnement dans le cas d’une rupture conventionnelle suivie d’une prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, en précisant que le salarié ne pouvait prendre acte de la rupture du contrat entre la date d’expiration du délai de rétractation et la date d’effet prévue de la rupture conventionnelle que pour des manquements survenus ou dont il avait eu connaissance au cours de cette période (cass. soc. 6 octobre 2015, n° 14-17539).
Or, dans cette affaire, les juges du fond avaient bien constaté que l’employeur avait eu connaissance des faits de harcèlement sexuel reprochés au salarié entre la date d’expiration du délai de rétractation et la date d’effet prévue de la rupture conventionnelle.
La Cour de cassation se prononce ensuite sur les effets d’un tel licenciement, accueillant les arguments du salarié.
Ce licenciement met un terme au contrat avant la date prévue par la convention de rupture, mais ne prive pas le salarié de l’indemnité spécifique de rupture
La Cour de cassation considère que le licenciement ainsi intervenu n’affecte pas la validité de la rupture conventionnelle. Il a seulement pour effet, s’il est justifié, de mettre un terme au contrat de travail avant la date d’effet prévue par l’employeur et le salarié dans la convention de rupture.
À noter : rappelons en effet que le licenciement pour faute grave implique le départ immédiat du salarié, c’est-à-dire, sans préavis, sinon l’employeur perd la possibilité d’invoquer la faute grave (cass. soc. 12 juillet 2005, n° 03-41536).
En revanche, il ne prive pas le salarié du bénéfice de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle. La Cour de cassation rappelle en effet que la créance d’indemnité de rupture conventionnelle naît dès l’homologation de la convention de rupture, bien qu’elle ne soit exigible qu’à la date fixée pour la rupture (cass. soc. 11 mai 2022, n° 20-21103 FSB).
L’employeur doit donc verser au salarié le montant de l’indemnité spécifique de rupture prévue par la convention dès lors qu’elle a été homologuée avant la date du licenciement.
Dans cette affaire, la cour d’appel ayant jugé le licenciement pour faute grave fondé, après avoir retenu que les faits de harcèlement sexuel reprochés au salarié étaient établis et qu’ils rendaient impossible son maintien dans l’entreprise, elle a donc pu décider que le contrat de travail se trouvait rompu avant la date d’effet de la convention de rupture.
Mais c’est à tort qu’elle en a déduit que la convention de rupture était non avenue et qu’elle a débouté le salarié de sa demande de paiement de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle.
L’arrêt de la cour d’appel est donc partiellement cassé et l’affaire renvoyée sur ces points devant la même cour d’appel autrement composée pour être rejugée.
Cass. soc. 25 juin 2025, n° 24-12096 FSB
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