La protection du lanceur d'alerte n’est pas sans limite

Lanceur d'alerte : sa protection n'est pas sans limite

La Cour de cassation reproche à une cour d’appel de faire bénéficier de la protection conférée aux lanceurs d’alerte un salarié qui avait dénoncé une « procédure douteuse », sans préalablement constater que ces faits étaient susceptibles de constituer un crime ou un délit.

 

Les faits :

Un salarié avait adressé à son employeur (secteur de la restauration) un courriel dans lequel il exprimait son désaccord quant à la mise en place d’une carte de fidélité. Il indiquait notamment que « la légalité ou la régularité de la procédure lui semblait douteuse ».

Il faut préciser que ce salarié (directeur d’exploitation), en charge d’une cafétéria, avait par ailleurs la qualité d’associé, puisqu’il détenait 15 % des parts sociales. Il avait donc également la qualité d’associé.

Selon l’employeur, le salarié aurait ensuite demandé à la société de lui racheter ses parts sociales à un prix jugé « exorbitant » et de lui permettre de partir dans le cadre d’une rupture conventionnelle. En contrepartie, il renonçait à aller plus loin dans l’alerte qu’il avait émise sur les conditions dans lesquelles l’entreprise lançait sa carte de fidélité.

Invoquant une tentative de chantage, l’employeur avait alors licencié ce salarié pour faute grave et insuffisance professionnelle.

 

Le principe :

Pour rappel, le lanceur d’alerte ne peut faire l’objet d’aucune mesure de rétorsion.

Le salarié estimait qu’il avait la qualité de « lanceur d’alerte », de sorte que son licenciement était nul.

En effet, en application de la loi Sapin 2, un salarié qui témoigne, de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions ou qui relate de tels faits ne peut pas, pour ce motif, être licencié, sanctionné, faire l’objet d’une mesure discriminatoire, etc. Toute mesure prise en violation de ces dispositions est nulle (Loi 2016-1691 du 9 décembre 2016, modifiée par loi 2022-401 du 21 mars 2022 ; c. trav. art. L. 1121-2, L. 1132-3-3 et L. 1132-4).

 

L’analyse de la Cour d’appel :

La cour d’appel avait conclu à la nullité du licenciement, au motif qu’il ressortait clairement de la lettre de licenciement que l’employeur avait rompu le contrat de travail en réaction aux menaces du salarié.

Mais était-on bien en présence d’une alerte ?

A l’aune des faits, tels que rapportés par la cour d’appel, la réponse n’est pas aisée.

Apparemment, dans son courriel, le salarié soutenait que « la légalité ou la régularité de la procédure lui semblait douteuse ». Mais en quoi le salarié faisait-il état de faits susceptibles de recevoir une qualification pénale ?

D’ailleurs, l’employeur lui-même n’avait apparemment pas évoqué de faits précis. La lettre de licenciement reprochait au salarié d’avoir usé d’un « stratagème » pour monnayer son départ, sans explicitement évoquer une « alerte ».

 

L’analyse de la Cour régulatrice :

Pour la Cour de cassation, la cour d’appel ne pouvait donc pas conclure à un licenciement nul, faute d’avoir constaté « que le salarié avait, dans le courriel litigieux, relaté ou témoigné de faits susceptibles d’être constitutifs d’un délit ou d’un crime et que l’employeur ne pouvait légitimement ignorer que, par ce message, le salarié dénonçait de tels faits ».

L’affaire est donc renvoyée devant une autre cour d’appel qui devra déterminer si les faits dénoncés par le salarié étaient bien susceptibles de recevoir une qualification pénale.

Affaire à suivre …

Cass. soc. 1er juin 2023, n° 22-11310 FSB

 

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