Dans un arrêt du 12 mars 2025, la Cour de cassation nous précise que lorsqu’une entreprise comporte plusieurs établissements distincts, le salarié désigné représentant syndical au comité social et économique d’un établissement doit travailler dans cet établissement à la date de sa désignation.
Dans les faits, des élections professionnelles sont organisées au sein d’une unité économique et sociale (UES) regroupant 24 sociétés, en vue de mettre en place un comité social et économique central et 11 CSE d’établissement (CSEE).
À l’issue du scrutin, la CFE-CGC désigne le 6 juin 2023 un représentant syndical au CSEE de l’établissement Île-de-France/Hauts-de-France. Il s’agit d’un salarié qui s’est porté candidat sur une liste de la CFE-CGC, sans parvenir à se faire élire.
Il y a alors deux contentieux qui s’engagent en parallèle, à l’initiative du syndicat FO.
Le syndicat FO considère que certains candidats présentés par la CFE-CGC ne sont pas éligibles. La demande d’annulation partielle des listes de la CFE-CGC est cependant jugée irrecevable le 3 juillet 2023 : le tribunal judiciaire constate que le syndicat a engagé son action trop tard, en l’occurrence plus de 15 jours après la proclamation des résultats (c. trav. art. R. 2314-24).
Les élections sont donc confirmées.
Le syndicat FO (et l’employeur), soutiennent par ailleurs que le site où travaille le salarié qui a été désigné représentant syndical au CSEE de l’établissement par la CFE-CGC ne relève pas de cet établissement, mais d’un autre. Sa désignation n’est donc pas valable.
Une première contestation est engagée le 22 juin 2023.
Puis la CFE-CGC redésigne ce RS au CSEE le 25 septembre 2023, toujours au CSEE de l’établissement où il n’est pas salarié. Le 3 octobre 2023, FO et l’employeur contestent donc à nouveau sa désignation au CSEE de l’établissement Île-de-France/Hauts-de-France.
Le tribunal judiciaire juge ces recours recevables et annule les désignations du salarié en qualité de représentant syndical, par un jugement du 25 janvier 2024.
Le syndicat CFE-CGC saisit la Cour de cassation, d’une part, en invoquant l’irrecevabilité des demandes d’annulation et, d’autre part, en soutenant que dès l’instant que le salarié était membre du personnel de l’entreprise, il pouvait être désigné RS à un CSEE.
La Cour de cassation n’entend pas ces arguments et approuve la décision d’annulation des désignations.
Dans les entreprises d’au moins 300 salariés, chaque organisation syndicale représentative dans l’entreprise ou l’établissement peut désigner un représentant syndical au CSE, qui a pour fonction d’assister aux réunions du comité avec voix consultative (c. trav. art. L. 2314-2).
Pour être désigné en qualité de représentant syndical au CSE, le salarié doit être choisi parmi les membres du personnel de l’entreprise et satisfaire aux mêmes conditions d’éligibilité que les candidats aux élections du CSE : être âgé d’au moins 18 ans, travailler dans l’entreprise depuis au moins un an, etc. (c. trav. art. L. 2314-2 et L. 2314-19).
La Cour de cassation déduit de ces textes que « les conditions de validité de la désignation d’un représentant syndical, tenant à la personne du salarié désigné, doivent être appréciées à la date de la désignation. »
FO et l’employeur soutenaient que dès lors que le salarié dépendait, pour son travail, d’un autre l’établissement, il ne pouvait pas être désigné représentant syndical au CSEEE de l’établissement.
Pour contrer cet argument, la CFE-CGC soutenait simplement que le représentant syndical au CSE ou au CSEE devait être désigné parmi « les membres du personnel de l’entreprise » (c. trav. art. L. 2314-2).
Une lecture littérale fermement rejetée par la Cour de cassation, qui précise à cette occasion que « lorsque l’entreprise comporte plusieurs établissements distincts, le salarié désigné représentant syndical au comité social et économique d’un établissement doit travailler dans cet établissement. » Elle avait déjà eu l’occasion d’affirmer ce principe, dans un ancien arrêt (cass. soc. 9 décembre 1981, n° 80-12776).
Un autre aspect de cette affaire doit être signalé. On rappellera que le syndicat FO avait attaqué sans succès les élections et qu’il avait à cette occasion contesté l’éligibilité du salarié qui sera finalement désigné en qualité de représentant syndical. Cette action avait été jugée irrecevable, car tardive.
La CFE-CGC a tenté de mettre à profit cet aspect de l’affaire en soutenant que, la régularité des élections au CSEE ayant été tranchée par jugement définitif, cela avait purgé de tout vice les conditions d’éligibilité de ce salarié. La contestation de l’éligibilité du salarié à l’occasion de ses désignations en qualité de représentant syndical au comité social et économique d’établissement (CSEE) était donc irrecevable.
La Cour de cassation rejette cet argument, mais sans y répondre manière indirecte. Elle pose en effet pour principe que « lorsque la contestation porte sur la désignation de représentants syndicaux, la requête n’est recevable que si elle est remise ou adressée dans les quinze jours suivant cette désignation, quel que soit le motif fondant l’irrégularité invoquée. »
Ce qui revient à considérer que la contestation des conditions de désignation d’un salarié en qualité de représentant syndical au CSE doit être considéré comme un recours distinct du contentieux de l’élection, puisque c’est la désignation (et non la proclamation du résultat des élections, qui fait courir le délai de 15 jours (c. trav. art. R. 2314-24).
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